Tous appelés à ré-agir !
Comment s'étonner que les migrants cherchent à fuir la guerre, la dictature, la faim, la misère, les pires drames, les bouleversements climatiques ? Ils sont écrasés par les bombes, les dictatures, les attentats, meurent de faim, de soif, se noient par milliers. "Impossible de fermer la porte"...
On voudrait, dans le meilleur des cas, distinguer les "bons" migrants (les vrais "réfugiés") et ceux dont on a urgemment besoin dans les secteurs économiques en pénurie de main d'oeuvre (les métiers dits "en tension"), des autres, nombreux, qu'il faudrait refouler. Position intenable, notamment au regard d'un phénomène bien plus nuancé, contraire à la dignité élémentaire de tout être humain. Deux poids, deux mesures ? Pas de discriminations possible entre les migrants, quels que soient leur origine, leur faciès, leur religion ! N'y a-t-il pas qu'une seule realité humaine, indivisible ?
La migration est liée entre autres à la situation désastreuse que connaît l'Ukraine, le Moyen-Orient, l'Afrique. Elle se déroute vers l'Europe de l'Est, la Grèce, l'Espagne, la France, la Grande-Bretagne (Calais...) Les flux migratoires dépendent bien plus de circonstances extérieures que de l'empilement des lois. Nos pays riches ont tendance à s'adosser sur un fond sécuritaire, au lieu de s'orienter vers une forte logique d'entraide.
L'élan pour accueillir le flot des réfugiés ukrainiens constitue-t-il un précédent notable ? Pas sûr. Rappelons qu'un million et demi de migrants sont arrivés en Europe en 2015. L'Allemagne en a reçu 1 100 000. Mais les autres ? Le socle des valeurs fondatrices de l'Union Européenne va-t-il un jour sombrer ? Quelque 50 000 disparus en Méditerranée depuis les années 2000 : crime contre l'humanité... Faudra-t-il que nos descendants fassent acte de repentance pour tant de malheureux que l'Europe a laissé périr.
En contrepoint, les chiffres annuels du ministère de l'Intérieur concernant l'immigration dans l'hexagone - quoique parfois un peu difficiles à cerner - indiquent un pénomène qui reste chez nous, somme toute, modeste : en 2022, moins de 10% d'étrangers non communautaires ; 320 000 titres de séjour délivrés : 108 000 étudiants, 90 000 pour raisons familiales, 53 000 au titre du travail (+ 45% !), 40 000 à titre humanitaire - essentiellement réfugiés statutaires (sur 130 000 demandes d'asile), divers 29 000 ; 12 000 expulsions forcées (sur plus de 150 000 OQTF prononcées). Au total, on reste encore loin du déferlement !
Les migrations demeureraint-elles un domaine où les gouvernants, tétanisés par l’idée d’apparaître laxistes face à une opinion minée par le populisme et la peur, auraient plutôt tendance à faire l’inverse de ce que prônent les organisations internationales, les économistes, les employeurs, les associations, les Eglises, diverses instances, municipalités, autorités ?.. Sans parler de la condition inhumaine des migrants à la rue, des camps sordides où on les pourchasse, des Mineurs Non Accompagnés (campagne interassociative "Jeunes majeurs étrangers, sortir de l'impasse"), des Roms, etc.
Quelle société voulons-nous ?
N'y a-t-il pas de la place pour tous quand on partage ?
Comme dit le Pape : "Le péché, c'est de renoncer à la rencontre avec l'autre ; en prenant soin des plus vulnérables, nous grandissons tous ; les migrants nous aident à lire les signes du temps". L’épiscopat relaie les déclarations de François : "Que chaque communauté accueille une famille". Il s’agit d’un choix de société. Revisitons nos orientations et comportements.
Il n'est pas étonnnant que l'encyclique de François "Tous frères" pointe le caractère absolu de cette approche.
On touche ici au vivre ensemble, à la fraternité, c’est-à-dire au coeur même des valeurs humaines et de la citoyenneté.
A noter une note d'espoir. L'Union Européenne vient de s'accorder sur la réforme de la politique migratoire, le 8 juin 2023 (en vue des élections européennes du printemps 2024), dont la teneur est contrastée :
. mise en place d'une procédure accélérée d'examen aux frontières, avec renvoi des déboutés...
. surtout solidarité obligatoire entre les Etats, pour soulager les pays en première ligne face à l'immigration irrégulière, Italie, Grèce, Espagne, avec relocalisations en principe obligatoires (sauf pénalité financière pour les pays opposés).
Au total, sans gommer de réelles difficultés, des souffrances criantes, des craintes bien compréhensibles, d'actes inqualifiables, réaffirmons que le métissage est inéluctable et fécond ; l'immigration, source de richesse ; la diversité, une chance, qui laisse place à la reconnaissance de l’identité de chacun, et du corps social dans son ensemble.
Nous appelons au partage, à la rencontre, au respect des libertés publiques et des droits humains, à un droit universel à la mobilité, à la vie.